Ils ont choisi Hiroshima car la visibilité était bonne

Ils ont lancé la bombe. La cible ils l’ont choisie par élimination. Il fallait une ville assez grande pour des dommages maximum. Ils ont poussé l’audace jusqu’à interdire tout autre bombardement. Pour mesurer les effets de la bombe sans interférence d’autres attaques.
Ils ont un moment hésité de choisir Kyoto. Ils ont choisi Hiroshima car la visibilité était belle.

Ils ont visé le pont en forme de T et celui-ci n’a pas été détruit.
Par contre de l’hôpital qui a eu la mauvaise idée d’être sur ce qu’ils appellent l’hypocentre, il ne reste rien.
D’un coup, plus de 140.000 morts.Une chaleur de 3000 à 4000 degrés. Un souffle à plus de 400 mètres par seconde.
Tout a brûlé. tout s’est écroulé. Tout a fondu. tout est mort. Ou presque.


Car certains sont morts dans les heures et les jours qui ont suivi.
Certains ont tenté de traverser les bras de rivière et s’y sont noyés. À bout de force.
Comme le chante Nougaro: il y avait une ville et il n’y a plus rien.

La ville épargnée est devenue la ville sacrifiée.
Son nom allait par contre entrer dans l’histoire.
La ville de la première bombe A. Première lettre de l’alphabet. De l’alphabet de l’horreur.
Et qu’elle semble futile cette flamme sur le site d’Hiroshima. Elle brûlera tant qu’il restera une arme nucléaire sur la planète, nous récite l’audioguide du musée.
Pourquoi se limiter aux armes nucléaires? Pourquoi cette préférence?
Sont-elles pires que les tortures infligées par des hommes revenus à l’état de bête à leur victime en les regardant dans les yeux?
Sont-elles plus terribles que les armes chimiques ou biologiques ou que ces bombes soit disant propres qui détruisent les hommes et épargnent le matériel?
Et fallait il la lancer cette bombe ?
Pour épargner des hommes dans l’éventualité d’un débarquement sur les plages japonaises?
Pour convaincre les militaires japonais de capituler?
Et que dire de l’impact émotionnel disproportionné entre les 200.000 victimes de LA bombe par rapport aux centaines de mille qui ont perdu la vie dans les innombrables combats, en Asie, en Europe et ailleurs.
Je ne peux supporter que ces victimes soient plus victimes pour la seule raison que c’était la première bombe.
J’ai horreur de ce biais cognitif.
Autant que je suis effondré à la simple idée que ces milliers de personnes sont passés en un instant d’une vie normale à l’enfer.
Pour marquer les esprits et forcer à accepter la capitulation.
Être au mauvais endroit au mauvais moment.
Comme les victimes des attentats de ces dernières années.
Comme ces familles ravagées par ce missile russe en Ukraine qui a touché leur bâtiment et pas le building voisin.
Chaque mort est une mort de trop.
Et l’Homme n’a toujours pas compris.
Mais comprendra-t-il un jour?
Et j’observe ce dôme de la bombe A, comme ils l’appellent.
Et je ne vois aucun signe de remise en question de ce qui a mené à cette explosion inouïe.
Et je pense à cet homme de 70 ans, emmuré dans son Kremlin qui a décidé cette opération spéciale sur le pays frère.
Et que par ce fait des millions de femmes et d’hommes ont vu leur vie basculer.
Et je me dis que ce n’est pas différent de ce qui s’est passé ici le 6 août 1945 à 8h15.
Et je sais qu’une partie de cette folie est en moi aussi, comme elle est en toi qui lit ces lignes.
Car elle est le propre de l’Homme.
Et comme j’aimerais que ce ne soit pas le cas.

1 commentaire

  • Patrice Gilly

    Beau texte.
    La bombe était inutile. Le Japon avait émis des signes d’une prochaine capitulation.
    Elle a été utile comme terrain d’expérimentation, consolidé à Nagasaki quelques jours plus tard.
    Le niveau de victimisation me paraît plus élevé parce que le procédé d’élimination est inédit et particulièrement horrible , dévastateur et aveugle.
    Nul bombardement n’a éliminé autant de personnes avec un seul projectile.
    Hiroshima et Nagasaki sont des marqueurs inouïs de la violence inhumaine.
    Passons à autre chose.
    Oui ?
    Belle journée.

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