S’accrocher et lâcher prise

Nous venons au monde dans l’inconscience, notre propre vie n’a pour nous encore aucune substance, aucune importance tant nous ignorons ce que c’est. Puis de sensations en sensations, nous développons notre être et notre conscience.
Ensuite, la vie nous apprend à nous agripper, à nos plaisirs, à nos envies, à nos dégoûts comme à nos dégoûts, à nos idées et notre vision du monde.
Puis nous accumulons les objets et les personnes auxquelles nous tenons.
Et certains d’entre nous réalisent à quel point nous tenons à ces personnes, à ces idées, à ces objets. Surtout quand nous les perdons. Il nous vient alors à l’esprit l’importance de lâcher, de moins s’attacher, de moins s’agripper.
Parfois c’est facile, parfois ça l’est moins. Surtout avec les personnes que nous aimons, mais aussi avec nos idées, nos croyances sur le monde qui sont devenues une part de nous-mêmes; et aussi – même si c’est plus difficile de le reconnaître – avec les objets, les choses qui construisent notre quotidien.
Et si nous perdions tout? Là ! Maintenant!
Qu’est-ce qui serait le plus douloureux, le plus intense ?
Quelle peine passerait plus vite ? Laquelle durerait tout le reste de notre vie ?
Et cette vie à laquelle nous tenons tant, nous savons qu’elle aura nécessairement une fin et heureusement nous ne savons pas quand. Alors nous faisons mine de l’ignorer, de faire comme si cela n’arrive qu’aux autres.
Il y a quelques années j’ai vécu la fin de vie d’un ami qui, ayant appris qu’il avait un cancer qui ne pouvait se soigner, a décidé de refuser tout traitement et d’affronter la mort en face et de passer les jours qu’il lui restait à vivre en méditant, en vivant avec ses proches et en offrant à ses connaissances le journal de ces jours. Incroyable témoignage, incroyable courage, témoignage bouleversant dont vous pouvez avoir un aperçu dans une video (en allemand).
Et à chaque fois que nous perdons quelqu’un, qu’une page de notre vie se tourne, nous vivons un peu de ce lâcher-prise mais avec la violence des événements que nous subissons parce que nous ne les avons pas choisi.
Pratiquer le lâcher-prise au quotidien, remettre en question notre attachement à ces choses auxquelles nous tenons et prendre conscience qu’au delà du plaisir quotidien qu’ils nous prodiguent, elles sont source de souffrance au sens bouddhiste du terme, celle de l’attachement. Voilà ce que nous gagnerions à faire au quotidien mais peut-on vraiment vivre ainsi? Pour les objets peut-être, ou sans doute, et encore, il faut voir comment cela se passe. Mais pour celles et ceux qui nous sont chers, pour notre propre vie, assurément non. Enfin, pour moi ce n’est même pas imaginable.
Et c’est pourtant le cas de ces familles, de ces hommes, de ces femmes, de ces enfants qui ont tout quitté pour échapper à l’enfer de la guerre à la violence dégradante, aux conditions de vie insupportables. Ils ont traversé des déserts, ont mis leurs vies entre les mains de passeurs sans état d’âme, ont entrepris une traversée de la mer périlleuse puis ont cherché sur le vieux continent un espace pour se reconstruire.
Et là ils ont eu à affronter les regards haineux, les contrôles policiers méprisants, les interrogatoires interminables. Pour certains ce sera le retour forcé, pour d’autres, une infime possibilité de se créer une nouvelle vie, pour soi, pour ses enfants.
Nous sommes tous humains et ne pouvons rester insensibles à ces drames. Leur peur est la nôtre, leur vie est la nôtre. Leur espoir aussi.
L’apprentissage du lâcher-prise est une manière de revenir à l’essentiel, de nous connecter à cette humanité tellement menacée dans notre monde devenu si froid.

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