Le syndrome du fumeur

« C’est quand la mer se retire qu’on voit ceux qui se baignent nus. » 

Warren Buffet

En disant cela Warren Buffett voulait avertir les preneurs de risques excessifs qu’ils risquaient d’être surpris par un retournement de situation.

Il assez étonnant, à une époque où fumer devient de plus en plus socialement inadéquat, de constater que le syndrôme des fumeurs est encore promis à un bel avenir.

Qui parmi vous n’a pas connu ces fumeurs qui, quand on leur dit que fumer est mauvais pour la santé vous rétorque: “je connais une personne qui a toujours fumé et est mort centenaire.”

Quelque soit sa motivation, son désir voire son besoin d’emplir ses poumons de fumée, le fumeur rationalisera toujours son expérience en écartant le risque de sa pratique. Cela ne le concerne pas. Il écarte toute appréciation pessimiste d’un revers de main. Il est totalement incapable de lier le discours anti-tabac à son addiction. Ce n’est pas la bouffée qu’il vient d’avaler qui va lui causer un cancer. Ni la précédente. Ni la suivante.

Seul compte le plaisir du geste, la sensation de détente de respirer cet air volontairement vicié. 

C’est le propre de toute addiction de créer un manque pour aussitôt le combler tout en faisant le lit du prochain vide.

Et le temps passe, de cigarettes en paquets et de paquets en farde. Le fumeur en vient même à oublier qu’il fume tant ce geste fait partie de son identité de fumeur.

Après tout, il n’a rien eu, depuis tout ce temps. Alors …

L’observateur qui s’aventurera à lui rappeler les risques liés à sa pratique est remballé au nom des “je fais ce que je veux”, “je suis assez grand pour décider”, “je connais les risques, pas besoin d’un parent pour me dire ce que je dois faire ou pas”.

Et puis arrive ce qui doit arriver qui alimente les statistiques inéluctables ayant démontré à foison que les dangers de la cigarette ne sont pas négligeables.

C’est le ton de voix de l’oncologue qui se veut rassurant et vante les progrès de la médecine qui déchire le voile de l’arrogante insouciance.

Le fumeur est terrassé. Il se sent victime d’une honteuse injustice. “Pourquoi moi?”

“Mais parce que tu fumes, pardi” ont envie de lui crier ses proches et ses amis. Mais ils ne disent rien. Ce n’est pas le moment de balancer des reproches alors qu’il doit accuser le coup et a plus besoin de support que de “je te l’avais bien dit.”

Le syndrome du fumeur éclate dans toute sa splendeur.

Avant le diagnostic, pas question d’entendre qu’il y a un risque. Et après, ce n’est pas le moment.

Ce syndrome s’est malheureusement généralisé avec le temps pour quitter le monde des fumeurs

Il s’applique chez la personne négligente qui laisse sa voiture non verrouillée, pensant que ce n’est pas pour une fois puis se désole quand son véhicule a été dévalisée.

C’est cet homme qui arrive à la dernière minute à l’aéroport malgré les avertissements de ses collègues puis rate l’avion parce que la file au contrôle de sécurité était anormalement longue.

C’est ce mari tout entier à son travail qui hausse les épaules quand son ami lui demande s’il ne devrait pas passer plus de temps avec son épouse puis un jour découvre que celle-ci le quitte.

Avant la crise, le fumeur sait mieux que vous ce qui est bon ou pas pour lui et refuse de vous entendre. Puis quand la crise éclate, vous dit que ce n’est pas le moment et que vous feriez mieux de l’aider. 

Dans tous les cas vous avez tort d’évoquer les risques qu’il encourt, pas avant puisque rien n’est encore arrivé et pas après car on ne tire pas sur une ambulance. 

Lire aussi: les autres syndromes

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