Le syndrome du poisson plat

L’art de se faire oublier
ou
La pleine absence

Le poisson plat fait partie de ces animaux qui nous étonnent tant ils sont particuliers. Le poisson plat est le roi du camouflage dans le fond des mers. Il se pose sur le sol et ne bouge plus. Sa peau se marie parfaitement avec la couleur du fond marin, une parfaite dissimulation.

C’est à cet animal marin que j’ai pensé suite à plusieurs réactions reçues à la lecture du syndrome du super héros. J’ai très vite compris que je me devais de présenter sans délai le syndrome complémentaire à celui du super héros qui est celui du poisson plat.

Les poissons plats des organisations ont développé des capacités de camouflage semblable à leurs confrères à nageoires. Vous les reconnaitrez dans leur bureau … car vous ne les voyez pas. Ils se fondent dans l’environnement. Jamais ils ne vous appelleront à moins d’y être contraints. Jamais un courriel spontané. Le poisson plat à col blanc est maître dans l’art de temporiser lorsqu’il reçoit un courriel. Ses devises: “Si c’est urgent, c’est trop tard!” et “Ne pas réagir trop vite. Je réagis quand je reçois le rappel. Si pas de rappel, c’est que ce n’était pas important.”

Et s’ils finissent par réagir, ils répondront ou transmettrons le messages en mettant un maximum de personnes en copie. Parmi ceux-ci, il y aura toujours bien quelqu’un pour prendre le problème à bras le corps et peut-être même un super héros qui résoudra la question en deux temps trois mouvements.

Le language écrit du poisson plat est le “on” et la question. Diluer, diluer est le maître mot. Impliquer un maximum de services, un maximum de personnes, en évitant si possible de les citer nommément (ça complique les recherches), étendre l’objet du message à d’autres points, à d’autres procédures, poser des questions sur le délai, le modus operandi, la pertinence, … Les stratégies du poisson plat sont riches et variées. C’est d’ailleurs à l’étendue de sa palette de non-réaction qu’il consacre la majeure partie de son énergie laborale.

Le poisson plat a l’art de se faire oublier. Vous ne remarquerez bien souvent sa présence qu’à l’heure où il quitte le bureau. Vous ne l’avez pas vu à la cantine, pas à la machine à café. Il craint par dessus tout les conversations qui démarrent de manière anodine puis enchaîne sur un “Tiens, à ce propos cela me rappelle l’email que je t’ai envoyé …” qui le figera sur place.

Mais il est une variété de poisson plat qui font des conversations anodines, de la dernière bien bonne, l’arme fatale contre lequel toute question de boulot se voit anéantie ou dissoute dans un flot d’anecdotes qui vous fait même oublier la demande que vous veniez de formuler.

Et il y a aussi le poisson plat ronchon, variété qui s’abrite derrière une humeur désastreuse, râleuse, dépitée, démotivée qui vous fait comprendre que cette personne porte déjà toute la misère du monde et que votre problème est le fétu de pailler qui va le faire s’écrouler sous la charge.

Bref le poisson plat est présent mais il n’est pas là. Il a une fonction mais il ne fonctionne pas. Il occupe un poste. Il chauffe une chaise. Le super héros reconnait en lui son côté noir de la Force. Le poisson plat mérite le titre de super zéro.

Voir aussi: le syndrome du super héros

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