C’est vers cela que je vole

Voler vers l’Est.
Tenter de rattraper le soleil.
Traverser la nuit et arriver l’après-midi.

Les turbulences que nous avons traversées semblaient vouloir nous rappeler que ce que nous vivons sort de l’ordinaire. Et étonamment, moi qui d’ordinaire ai développé une appréhension croissante de l’avion, ces secousses m’ont laissé indifférent.

La technologie nous emmène à plus de 1000 kilomètres par heure (la vitesse au sol) à une altitude de plus de 12000 mètres pour une distance totale de plus de 12000 kilomètres.

Comment ne pas s’émerveiller de vivre cette expérience devenue si banale pour certains et inaccessible pour d’autres.

Ce voyage est pour moi la réalisation d’un rêve.

J’ai baigné depuis mes 12 ans dans le monde de l’aïkido. Je me rappelle de cette élocution sur le Japon lorsque j’avais 13 ou 14 ans. Je l’avais présentée avec l’aura d’un spécialiste. Après tout j’enfilais mon kimono deux à trois fois par semaine. Cela me donnait de la crédibilité, non?
Et oui à cette époque on disait kimono alors même que nous savions pertinemment que ce n’était pas le bon terme.
Mais c’était celui que tout le monde comprend. N’est-ce pas la fonction première du langage? Se faire comprendre?

Et en parlant de se faire comprendre, je me rappelle Takashi Echizen (c’est dingue de me rappeler si bien de son nom), cet élève japonais qui avait rejoint ma classe. Il ne parlait que le japonais et l’anglais. Il devait être fils de diplomate ou quelque chose dans le genre. Nous nous sommes rapidement liés d’amitié et je me demande en quelle langue nous échangions car je ne parlais pas encore la langue de Shakespeare. Takashi m’avait appris quelques mots de japonais. Je me souviens de “kimi o baka”, “tu es fou” et “kanodjo e baka” pour “elle est folle”. Pourquoi cela m’est resté? Toujours ce petit goût de provoc’ ou d’interdit qui marque nos souvenirs! Cela me sera de peu d’utilité durant mon séjour!

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Je pratiquais déjà l’aïkido et Takashi m’a aidé à traduire tous les termes japonais que l’on prononçait sans les comprendre. Je n’ai cessé depuis de pratiquer ce bel art martial qui a pris une place importante dans ma vie. Et cela a contribué à m’imprégner de culture nippone même si parfois plus proche du cliché que d’une réelle connaissance.

Et cet avion qui m’emmène vers le Japon se mue en une forme d’introspection. Je vais à la fois vers l’Est et à la fois en moi.

Et je sais que la réalité du pays s’apprête à confronter les fantasmagories que je me suis inventées.{CAPTION}

Et je ne me fais aucune illusion.

Ce voyage est un réveil. Ce moment où le rêve cède la place au réel.

Et il ne s’agira pas de déception.

Ce sont des univers par trop différents et donc forcément incomparables pour ne pas dire incompatibles.

Il est par contre une chose dont je suis déjà sûr.

Alors même que je n’ai pas encore posé un pied sur le sol nippon, je sais déjà que les images que je me suis construites de ce pays vont colorer mon séjour sans se laisser influencer.

Car trop ancrées dans mon histoire, dans mon passé.

Nous gardons tous ces images d’enfance qui nous ont construites.

Et celles que nous découvrons par après ne peuvent prétendre à les remplacer.

Elles ne font que les enrichir. Leur ajouter du relief. De la même façon qu’il nous faut deux yeux pour créer l’expérience du relief à partir de deux images plates.

C’est vers cela que je vole.

2 commentaires

  • Continue à nous (t’) écrire Christian… quelques beaux mots pour nouer deux bouts de l’existence et du monde 🙂

  • Patrice Gilly

    Quelle lyrisme !
    Nous étions partis sans rien imaginer, ni a priori.
    Nous avons vu, aimé, pénétré au cœur de l’âme nipponne,
    sur les routes des temples, dans les Ryokan traditionnels, sur des sentiers de montagne.
    Les images réelles chassent les idées préconçues.
    Ne subsiste que les émotions et les sentiments éprouvés sur place.

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