Le clou du voyage

Ça a commencé par un petit tic-tic-tic que nous entendions en sortant de la ville de Leucade jeudi soir. Probablement un petit caillou coincé dans un pneu, dis-je.

Le lendemain, traversée du pont flottant pour quitter l’île de Leucade. Le revêtement est rainurée pour forcer les véhicules à rouler lentement. Les vibrations sont intenses. Ensuite c’est la route qui doit nous mener vers Naupacte.

Mais très vite, le tableau de bord clignote: vérifiez la pression des pneus.
Je verrai ça à la prochaine station d’essence.

Mais non. Il va falloir faire autrement. La pression des pneus s’affiche sur le tableau de bord et le pneu avant droit affiche 2,6, puis 2,4, puis 2.

Ça va pas le faire.

La prochaine ville est à 2 kilomètres. Il faut qu’on arrive jusque là pour regonfler le pneu.
Je ne prends pas la Nationale, je lui préfère une petite route où je peux mieux gérer la vitesse. La pression continue de diminuer.
Un vélomoteur avec un Grec d’un certain âge me fait des grands signes et me baragouine quelque chose qui semble vouloir dire qu’il y a un garage ou une station service là-bas avant de s’engager dans un sentier de gravier.

1,8, 1,4, .. ça continue de diminuer.
Va-t-on y arriver?
Vais-je devoir retirer les valises et mettre la roue de secours?

Je débouche sur une grand-route et je tourne à droite à du 2km/h. Je m’arrête à ce qui ressemble un garage mais l’homme en tenue de travail me montre à 50 mètres, de l’autre côté de la route, une affiche “Continental”. Les pneus “Continental” !

Seront-ce les mètres de trop?
Je prolonge le calvaire de ces quelques mètres … Enfin, arrivé!

Un jeune mécanicien vient vers nous.
Celui-là, c’est mon sauveur. C’est ce que je veux croire, moi, qui me sens comme le marin qui vient de s’échouer sur le rivage “Continental”.
Je m’attends à d’autres mésaventures. Mais non. Sans nous faire attendre, il place le cric pneumatique, soulève la voiture, dévisse le pneu et très vite repère le trou manifestement causé par un clou.
Et en deux temps trois mouvements, il enlève le pneu, place une rustine dans le pneu, replace le pneu puis la roue.

Nous sommes sauvés. C’est notre sauveur !
Et non content de cela, quand nous lui mimons combien on lui doit, il nous répond: 10 euros !
10 euros!
On arrondit à 20 et nous reprenons la route. Quel sentiment de soulagement !

Nous aurions eu cela la veille sur les routes étroites du sud de l’île et je vous dis pas les complications.
Les dieux de l’Olympe sont avec nous.

Cela mérite un café frappé au port de la petite ville de Voritsa. Et prendre le temps de revenir en mode vacances insouciantes.


J’en profite pour vous partager quelques réflexions sur ce que j’ai observé du comportement des Grecs.
Tout d’abord, la manière de conduire.
Je craignais de devoir partager la route comme je l’avais vécu en Sicile et il n’en est rien. Certes les Grecs roulent sans traîner (euphémisme) mais ils roulent bien. Certes ils semblent n’avoir aucune considération pour les lignes blanches continues et encore moins pour les panneaux de limitation de vitesse (je me demande d’ailleurs pourquoi ils persistent à en placer le long des routes) mais les conducteurs grecs ne roulent pas de manière dangereuse.
Quand un véhicule devine qu’il va être dépassé il se déporte avec les roues droites dans la large bande d’arrêt d’urgence. Sans que l’on doive insister pour faciliter le dépassement.
Réellement un plaisir de conduire en Grèce.

Par contre pour le piéton qui cherche à traverser la rue, c’est une autre affaire. Les passages pour piétons semblent n’avoir aucun effet sur les automobilistes. Tout se fait à l’influence, un regard, un sourire, une main levée et le tour est joué.


Et pour ce qui est des sourires justement.
Pour avoir été plusieurs fois aux États-Unis, j’ai vraiment le sentiment que la Grèce est à l’opposé des États-Unis. Aux States, dès le premier contact vous êtes gratifié d’un large sourire et d’un magnifique “how are you?”. Même pour acheter un simple ticket de bus. Par contre, sortez de la routine et la couche de vernis de sympathie manifestement hyper fine se craquèle et on passe très vite au mode procédure. “Sir, I’m sorry this is not possible”. Et dans ce cas le “sir” n’est pas un titre de noblesse que l’on vous octroie, c’est un avertissement.
En Grèce, c’est l’opposé. Le premier contact est généralement sérieux. Pas de sourire. C’est plutôt un “qu’est-ce que vous voulez?”. Et puis très vite cela bascule. Le sourire débarque qui marque le début d’un échange très clairement convivial.

Une anecdote. Nous dépensons nos sacs à dos à la consigne du musée de l’acropole. L’employé est très professionnel. Il s’empare de nos deux sacs et nous demande tout aussi professionnellement s’il peut mettre les deux sacs ensemble. Nous acquiésçons et je lui assène en anglais un trait d’humour dont j’ai le secret (et l’exclusivité, chose que peu de gens m’envient 😜 ):
“Et j’espère qu’on sera encore ensemble à la fin de la visite, sinon on aura un problème pour récupérer les sacs”.
Il m’entend. Il s’interroge pour s’assurer d’avoir bien compris. Puis me voyant sourire, il se dit qu’il a bien compris et son visage s’éclaire d’un large sourire.
Quand nous revenons en fin de visite, il a servi plusieurs dizaines de visiteurs et très logiquement il ne me reconnait pas jusqu’au ce qu’il m’entende dire “C’est cool, on est encore ensemble”.
Je sais c’est affligeant d’une certaine manière, et j’assume. Mais je peux vous dire que son visage transfiguré m’a confirmé que ma plaisanterie a littéralement illuminé sa journée!
Je raconte ça car j’ai fait une plaisanterie similaire (et oui, je suis désolé) à l’entrée d’un bar de Washington et je peux vous dire que le gars à l’accueil l’a pris tout autrement. Sortez du traintrain procédural US et tout peut arriver.

Ce clou aura au moins eu le mérite de vous écrire ces lignes.
Je vous relaterai dans le prochain post notre petit séjour dans la ville qui a failli empêcher à Don Quichotte de voir le jour et notre départ, le lendemain vers le Péloponnèse


Ah oui, j’oubliais: plusieurs parmi vous m’ont exprimé qu’ils/elles ne voulaient pas publier de commentaires en bas de ces posts. Et je le comprends bien. Si vous êtes dans le cas et que vous voulez néanmoins exprimer votre sentiment en lisant ces pages, sachez que vous pouvez simplement m’écrire un mot en répondant à l’e-mail que vous avez reçu pour vous avertir de la publication du post. Et vous pouvez également envoyer un email directement christianATvanhenten.be en remplaçant AT par @)

Laisser le premier commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

Inscription à l'e-mail d'info de Christian.
Un envoi à chaque fois que je publie une page de mon récit de voyage.

Non je ne te spammerai pas mais attend-toi à recevoir un email pour chaque article posté. Je ne communiquerai ton email à personne bien évidemment.
Tu peux te désabonner à tout moment. Il y a un lien pour te désinscrire en bas de chaque email envoyé.