Aucun mot ne suffit. Tous sont superflus.

Quatre heures trente. Je ne dors plus. La pièce est encore dans la pénombre mais déjà le jour se lève derrière les shōji de notre chambre pour deux jours dans ce Ryokan sur les hauteurs de Hakone. Je quitte mon futon pour m’assoir devant la fenêtre.

Dehors la nature s’éveille dans le silence. Quelques cris d’oiseaux prennent une dimension insolite.
Dehors les arbres ont des allures de bonsaïs avec leurs troncs bousculés et leur végétation d’un vert encore sombre mais qui ne demande qu’à s’éclairer. Cette apparente nature spontanée révèle une attention de chaque instant de la part de ceux qui s’en occupent. Rien ne semble laissé au hasard et tout semble pourtant si spontané. Derrière les arbres, je distingue les collines qui enserrent la vallée et le lac Hashi.

Un mot émerge à la vue de tout cela: calme.
L’aménagement de la chambre, les portes coulissantes, les tatamis au sol, le futon que j’ai quitté il y a peu pour observer la nature qui s’éveille. Le calme me pénètre avec une grande douceur.


Et alors que j’écris ces mots le soleil monte au dessus de la colline qui me fait face. En douceur. Comme pour éviter de troubler la quiétude du lieu et de l’instant.
Les rayons de ce soleil levant m’envahissent. D’abord de fins liserés sur la manche puis ils m’envahissent les yeux. Doux éblouissement.
Ce qui a commencé comme une insomnie, une incapacité à me rendormir s’est mué en un spectacle fabuleux.


Il est cinq heures trente sept et j’assiste à la naissance d’un monde. Les rayons du soleil enhardissent les oiseaux mais toujours avec une réserve toute nippone. La pièce se transforme et se laisse envahir par la lumière.
Et mon corps s’anime et écarte toute vélléité de me recoucher.

La journée d’hier nous a donné de faire une rencontre fabuleuse.

Le mont Fuji s’est donné à voir dans un ciel bleu garni de quelques nuages pour en briser la monotonie. Le cratère élégant de symétrie, la neige sur le sommet éclataient dans ce ciel d’azur.

Il m’a fallut des efforts pour prendre pleinement conscience que ceci était la réalité. Une prise de conscience dans le ressenti. Se laisser aller à entrer en résonance avec ce spectacle naturel. Les touristes autour de moi ont disparu. N’est resté que cet échange, cette résonance comme le dirait Hartmut Rosa.
Expérience qui à elle seule justifiait ces milliers de kilomètres parcourus.

Cette vision du mont Fuji que je craignais de ne pouvoir vivre tant la journée d’hier à Tokyo avait été pluvieuse et grise était bien là, réelle, vraie, présente.

Quel mot ajouter pour traduire cette expérience?
Aucun bien sûr.
Aucun ne suffit et tous sont superflus.

Dès que j’aurai reposé ma tablette sur laquelle j’écris ceci, j’irai me plonger dans les eaux chaudes de l’Onsen.

Repos des yeux et éveil du corps.

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