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Cinquante neuf ans, un chiffre qui commence à impressionner.

Tellement, que j’hésite à le prononcer.

Cinquante neuf ans, un âge où la question “Qu’est-ce que je veux faire de ma vie ?” devient “Qu’est-ce que j’ai fait de ma vie ?”

Cela ne veut pas dire que c’est le bout de la course. C’est plutôt le constat que la trajectoire est tracée. Et en modifier la courbe requerrait des efforts considérables. Simple question d’inertie. Le poids des années.

Mais veux-je en modifier le cours ? Pas vraiment en fait. Tout au plus moduler la course du temps pour prendre en compte de nouveaux accents, pour en métaboliser le déroulement.

Bien sûr que j’aurais pu faire mieux. Naturellement que j’aurais pu faire autrement.

Mais à la veille d’entrer dans une nouvelle décennie, je revendique mes erreurs comme mes succès, mes actes manqués comme mes décisions prises.

Une vie est une accumulation d’événements douloureux, de moments de joie intense, de doutes vertigineux, de contraintes et d’opportunités, de désolations et de réjouissances.

J’ai le choix de vouloir les oublier, de les déformer, de les glorifier ou simplement de les accueillir. C’est ainsi que je façonne mon passé.

Puis je me tourne vers demain et j’en esquisse les contours que je voudrais qu’il prenne.

Quand je regarde la succession d’événements qui m’ont amené là où j’en suis, je ne peux que me réjouir.

Me réjouir d’avoir trouvé la motivation d’apprendre, de découvrir, d’expérimenter, d’être né avec cette curiosité qui m’a donné l’envie d’en savoir plus. Pour mieux comprendre comment vivre et donner sens à ces années.

Mais surtout me réjouir de deux choses essentielles.

La première est le bonheur et la chance de devenir père. D’avoir eu deux fils. D’avoir grandi avec eux. D’avoir appris avec eux. Et maintenant qu’ils ont pris leur envol dans leur vie d’adulte, d’avoir le privilège de vivre une relation paisible avec eux. De les accompagner, à distance, dans leur chemin de vie personnel.

La seconde est la rencontre – il y aura dix ans cette année – de celle qui partage mes jours, mes doutes et mes joies et participe à mon bonheur comme moi je participe au sien. Blanca est entrée dans ma vie alors que je commençais à croire que ce n’était pas pour moi.

Durant mes premières années sur cette bonne vieille Terre, je n’aurais pas donné un kopeck si l’on m’avait demandé de parier sur une telle rencontre et j’aurais tout donné pour en recevoir l’assurance.

C’est donc empli de bonheur que j’entre dans la soixantaine – mon attrait ancien pour les maths se réjouit de dévoiler avec quelle délicatesse le 59è anniversaire marque l’entrée dans ma soixantième année – . J’ai entamé ce passage depuis janvier en prenant un recul nécessaire pour orienter mon action dans la continuité mais en lui donnant un accent sensiblement différent.

Plus de temps pour l’essentiel.

Plus de présence à chaque instant.

Plus d’auto-compassion pour les moments où je dérogerai aux deux premières résolutions.

Et pour conclure cet extrait du discours de Steve Jobs aux étudiants de Stanford:

Je le répète, il est impossible de faire le lien en regardant vers l’avenir, on ne peut le faire qu’en regardant en arrière. Vous devez donc croire dans le fait que les liens se feront dans le futur, d’une manière ou d’une autre. Vous devez aussi croire en quelque chose – vos tripes, le destin, la vie, le karma, peu importe. Cette approche ne m’a jamais déçu, et cela a fait toute la différence dans ma vie.

Quand j’avais 17 ans, j’ai lu une citation qui disait quelque chose comme : “Vivez chaque jour comme le dernier, un jour vous aurez certainement raison.” Ça m’a fait forte impression, et depuis ce jour, durant les 33 dernières années, j’ai regardé dans le miroir et je me suis demandé : ”Si aujourd’hui était le dernier jour de ma vie, est-ce que j’aurais envie de faire ce que je vais faire aujourd’hui ?” Et à chaque fois que la réponse était non trop de jours d’affilée, je savais qu’il fallait que je change quelque chose.

Me souvenir que je vais bientôt mourir est l’outil le plus important que j’ai jamais eu pour m’aider à prendre de grandes décisions dans la vie. Parce que presque tout – toutes les attentes externes, toute fierté, toute peur de l’embarras ou de l’échec – toutes ces choses reculent face à la mort, en ne laissant que ce qui est réellement important. Se souvenir qu’on va bientôt mourir est le meilleur moyen que je connaisse d’éviter le piège qui est de penser qu’on a quelque chose à perdre. Vous êtes déjà à nu. Il n’y a aucune raison de ne pas suivre votre cœur.

1 commentaire

  • Superbe réflexion ! Tu peux être fier du chemin parcouru. Comme je te l’ai déjà dit, je signe des deux mains si je peux réussir mon rôle de maman en guidant mes enfants comme tu l’as fait. Je suis vraiment heureuse pour toi. Je suis certaine que la suite sera en adéquation avec les découvertes que tu fais chaque jour. Avoir le pouvoir, la volonté, la curiosité de transformer sa vie à la lumière de ce qu’on découvre en lisant, au fil des rencontres que l’on fait, des expériences que la vie nous impose ou impose aux autres est une grande richesse. Gros bisous

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