Exclure l’écriture inclusive

Comme beaucoup j’ai essayé de bien faire.

J’ai du moins tenté de m’interroger et d’essayer d’adapter mon écriture.

Mais le coeur n’y était pas. Ces fins de mots hachés de points défiguraient mes phrases tout en mettant l’accent sur un combat juste (celui de l’égalité femmes-hommes) mais sur le mauvais terrain, celui de l’orthographe et de la grammaire.

Avec cette tribune, je respire. Mon inconfort était justifié. Moi qui suis un amoureux de ma langue, un passionné des mots et des belles formules, moi qui suis à mille lieues d’essayer d’assoir une injustice vieille de plusieurs siècles par le choix d’un “le” ou d’un “la”.

Le langage inclusif est une aberration qui dessert la cause qu’il prétend défendre et fait du français une victime collatérale.

Après cette tribune, je m’inscris définitivement en opposant à cette proposition qui n’a d’inclusive que le nom.

Je retiens de cette tribune deux arguments significatifs:

  • Les formes masculines du français prolongent à la fois le masculin (librum) et le neutre (templum) du latin et font donc fonction de genre “neutre”, c’est-à dire par défaut, ce qui explique qu’il intervienne dans l’accord par résolution (la fille et le garçon sont partis), comme indéfini (ils ont encore augmenté les impôts), impersonnel (il pleut), ou neutre (c’est beau).
  • La langue a ses fonctionnements propres qui ne dépendent pas de revendications identitaires individuelles. La langue ne détermine pas la pensée — sinon tous les francophones auraient les mêmes pensées, croyances et représentations. 
  • Les réformes orthographiques ont normalement des objectifs d’harmonisation et de simplification. L’écriture inclusive va à l’encontre de cette logique pratique et communicationnelle en opacifiant l’écriture.
  • Tous les systèmes d’écriture connus ont pour vocation d’être oralisés. Or, il est impossible de lire l’écriture inclusive : cher.e.s ne se prononce pas.
  • Le décalage graphie / phonie ne repose plus sur des conventions d’écriture, mais sur des règles morales que les programmes de synthèse vocale ne peuvent traiter et qui rendent les textes inaccessibles aux malvoyants.
  • L’écriture inclusive, à rebours de la logique grammaticale, remet aussi radicalement en question l’usage du pluriel, qui est véritablement inclusif puisqu’il regroupe. Si au lieu de “Les candidats sont convoqués à 9h00” on écrit “Les candidats et les candidates sont convoqué.e.s à 9h00”, cela signifie qu’il existe potentiellement une différence de traitement selon le sexe. En introduisant la spécification du sexe, on consacre une dissociation, ce qui est le contraire de l’inclusion. En prétendant annuler l’opposition de genre, on ne fait que la systématiser.

Lien vers l’article publié dans le Marianne le 19/9/2020

Voir aussi: Le sexe des mots par JF Revel

1 commentaire

  • Merci infiniment, Monsieur Vanhenten, pour votre article.

    Avec vous, je m’inscris dans une opiniâtre résistance aux raisonnements pseudo-moralistes que l’on nous assène à propos de ce que cette écriture “inclusive” aurait de résolutif alors qu’en fait, elle ne fait que défigure la langue. Merci !

    Cordialement,

    Anne Bienfait

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